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Le terme « argentique » s’est répandu au début des années 2000 quand le besoin s'est fait sentir de distinguer la photographie classique, sur pellicule, d’une photographie dite « numérique » en plein essor. Emprunté au vocabulaire de la chimie1, il fait référence aux minuscules agrégats d’argent qui constituent les images produites selon ce procédé. Il doit probablement son succès en français à une heureuse euphonie avec « numérique » (« digital », en anglais) dont il paraît l’antonyme naturel : même nombre de syllabes, même terminaison en « ique », même distinction savante. Cependant, le terme « numérique », dans cette acception, est issu de la théorie du signal où les procédés non numériques sont plus généralement appelés « analogiques ». On parle donc aussi de « photographie analogique » et c’est plutôt ainsi qu’elle est désignée en anglais. L'image inscrite sur la pellicule est en effet une reproduction analogue de ce qui est photographié alors que dans un appareil numérique, l'image est codée sous forme binaire.
La pellicule est constituée d'un film support en plastique, recouvert d'une émulsion : c'est une couche de gélatine sur laquelle sont couchés en suspension des cristaux d'halogénure
d'argent ; pour les émulsions modernes il s'agit de bromure d'argent (AgBr).
Dans ce cas, chaque cristal est formé de plusieurs milliards d'ions d'argent (Ag+) et d'ions de brome (Br-) organisés en un réseau cubique.
Lors de l'exposition à la lumière, une image latente se forme en petite goutelette :
des photons provenant de la partie éclairée du sujet arrivent sur la pellicule ;
pour chaque photon absorbé, se forme une paire électron - trou d'électron : un électron se libère du réseau et va être capté par un ion Ag+ ;
cet ion Ag+ est réduit, c'est-à-dire qu'il se transforme en un atome d'argent qui est exclu du réseau cristallin.
Pour chaque cristal, selon l'intensité lumineuse de la partie du sujet qu'il décrit, de zéro à une dizaine d'atomes se forment. Ces atomes ont tendance à s'agglutiner pour former un « agrégat » ou « cluster ».
Pour les émulsions actuelles, seuls les cristaux contenant au moins trois atomes d'argent pourront être entièrement réduits lors du développement photographique, en particules noires visibles par l'œil humain
(les grains d'argent; voir Granularité). Le développement est un phénomène d'accélération de la réduction des ions Ag+ en atomes d'argent :
les cristaux contenant un agrégat ayant un potentiel électrique supérieur à celui du révélateur, c'est-à-dire un agrégat de trois atomes ou plus, vont attirer les électrons du révélateur vers les ions du cristal,
qui vont finir par tous être réduits. En revanche, les autres cristaux n'atteignant pas la masse critique de trois atomes en agrégat rendent des électrons au révélateur et se transforment en ions invisibles.
Ces ions seront ensuite dispersés lors d'une phase de lavage et de fixage. C'est la gélatine qui isole les cristaux les uns des autres et leur permet de réagir individuellement.
À cause d'un phénomène de recombinaison rapide de la paire électron-trou sans effet chimique, et de l'oxydation par le trou de certains atomes d'argent provisoirement formés,
le rendement de la réaction de formation initiale des atomes d'argent est de 0,20 atome par photon. Il faut donc 15 photons pour produire les 3 atomes d'argent nécessaires à la formation des grains lors du développement.
D'un point de vue macro, on peut donc constater que 80 % de la lumière qui arrive sur la pellicule est non-assimilée.
Une publication de décembre 1999 dans la revue Nature par Jacqueline Belloni, Mona Treguer, Hynd Remita et René de Keyser montre qu'on peut décupler le rendement de cette réaction
en incorporant dans l'émulsion du formiate d'argent (HCO2- + Ag+), qui agit comme un « piège à trou », c'est-à-dire un inhibiteur des phénomènes compétitifs qui limitent habituellement le rendement de la réaction2.
La société de chimie Agfa est détentrice de brevets déposés à la suite de cette découverte, mais aucune application commerciale de cette dernière n'est apparue sur le marché.
Dans le cas d'une pellicule à grains fins (donc peu sensible à la lumière), la taille moyenne d'un grain d'argent est d'environ 20 micromètres.
Il y en a donc environ deux millions à la surface d'un négatif de 24 x 36 mm, et près de 180 millions à la surface d'une plaque de 24 x 30 cm.
Même si un grain d'argent n'est pas exactement l'équivalent d'un pixel puisqu'il ne peut (à l'issue du développement) être que réduit ou intact, alors qu'un pixel peut enregistrer l'intensité lumineuse reçue,
on constate que la définition d'une image obtenue à l'aide d'une plaque photographique peut aujourd'hui encore être nettement supérieure à celle des meilleurs appareils photographiques numériques.